Un grain de moutarde _ Laila Ibrahim

Mon ressenti :
5/5

Quatrième de couv' :

Dix ans se sont écoulés depuis que Lisbeth Johnson a trahi sa famille et quitté la riche plantation de son enfance pour épouser un abolitionniste. Dix ans au cours desquels elle a espéré chaque jour recevoir un signe de pardon – en vain. Jusqu’à cette fin d’après-midi où une lettre la convoque au chevet de son père mourant.

Est-il enfin l’heure, alors que la guerre de Sécession a pris fin depuis trois ans déjà, de panser les plaies du passé ? Sans hésiter, Lisbeth entreprend le voyage vers son Sud natal.

 

Mais à Fair Oaks, le temps semble s’être arrêté. Et lorsque Lisbeth croise le chemin de son ancienne nourrice, Mattie Freedman, elle-même de retour avec sa fille Jordan dans la plantation où elles ont connu l’esclavage, les trois femmes se retrouvent confrontées au racisme, à l’injustice et à la violence qui ravagent toujours le sud du pays. Pour se libérer de leur passé, elles devront faire preuve d’une force et d’un courage extraordinaires…

“Faire que tu perdes ta confiance, c’est leur plus grosse arme. Alors, notre plus grosse arme à nous autres, c’est pas la perdre, c’est s’accrocher comment c’est-y qu’on peut”.
Mattie Freedman
Mère courage

Mon avis :

Vous avez besoin de vous attendrir, vous avez besoin d’espoir, de courage, de vous révolter aussi ? Un grain de moutarde vous tend les bras. 

1868, la guerre de Sécession est terminée, mais ses séquelles sont partout. Invisibles, mais palpables, celles enracinées dans l’esprit des soldats. Tenaces, celles qui divisent encore nord et sud. Béantes, ces ruines et ces bords de routes qui rappellent au Sud sa cuisante défaite.

Terminée, la guerre ? Vraiment ? Pas au sein de familles qui se déchirent encore. Pas non plus pour ces nombreux affranchis qui ne le sont en réalité pas. Car dans le sud, encore, on les exploite, on les bat, on s’évertue à leur rappeler qu’ils ne sont rien.

C’est dans ce contexte qu’on suit le retour dans le sud de Lisbeth dans une famille amère, hostile. Difficile pour elle de préserver ses jeunes enfants de la réalité de sa propre jeunesse, à mille lieues de l’éducation pleine de tolérance qu’elle leur offre. 

Pour Jordan, qui accompagne sa mère afin de sauver une tante encore exploitée dans une ferme, le choc est également violent. Fille d’esclaves, elle n’a jamais connu cette vie et n’imaginait qu’à quelques centaines de kilomètres de chez elle, rien n’avait changé. Cette institutrice acharnée du droit des femmes se rend compte que les droits des Noirs sont loin d’être acquis.

Un synopsis sombre pour un roman pourtant baigné de lumière. Entre saga familiale et roman initiatique, on savoure la compagnie de ces personnages portés par l’espoir. Un espoir qui leur insuffle le courage de se battre au lieu de se résigner.

Je n’ai pas lu le premier tome, Le Crocus jaune, se déroulant plusieurs années auparavant, et cela ne m’a causé aucun problème de lecture, de compréhension ou de rythme. C’est un roman passionnant, lumineux (je me répète, mais c’est vraiment l’impression qu’il m’a laissée), malgré la dureté des faits qu’il porte. On le doit essentiellement à ces personnages si attachants qu’on est vraiment peinés de les abandonner au moment de refermer le livre. 

J’ai trouvé la plume vraiment agréable à lire. Moi qui ne suis pas friande en général des dialogues reprenant des accents, des dialectes, des tics verbaux, j’ai ici trouvé que le rendu était plaisant. Je pense que c’est en partie dû aux avant-propos de la traductrice, qui prend le temps d’expliquer ses partis pris, et ce jeu d’équilibriste auquel elle a dû se prêter. C’était adroit. 

A lire pour ouvrir son cœur à de jolies choses. A lire aussi pour découvrir une période de l’histoire qu’on connaît assez peu, ici, l’après guerre de Sécession. 

352 pages

Plus d’infos sur Un grain de moutarde ?
– Rendez-vous sur le site de l’éditeur, Charleston.

– Traduit par Marie-José Thériault.