J’abandonne 

J’abandonne _ Philippe Claudel

Quatrième de couverture : « Nous sommes des hyènes. C’est le surnom que l’on nous donne dans le petit cercle où nous exerçons. Je déteste ce nom. Il me fait mal jours et nuit. Notre tâche consiste à préparer les familles dont un des membres vient de décéder à accepter une demande particulière. Nous leur apprenons sa mort et dans le même temps ou presque nous tentons d’obtenir l’autorisation de prélever sur son corps de multiples organes. 
Dégouté par son travail, la laideur du monde, la violence et l’indifférence de la société, le narrateur, père d’une petite fille de vingt-et-un mois, est au bord de l’effondrement. J’abandonne est le cri de détresse d’un homme qui, pour l’amour de sa fille, doit retrouver la force de vivre.  »

 
Chronique : 

Si vous aimez les histoires drôles, les comédies ensoleillée qui font sourire et rire, passez votre chemin. J’abandonne suit les pensées d’un trentenaire épuisé par la vie, écœuré par le monde qui l’entoure et son travail de hyène. Depuis qu’il a perdu sa femme, morte des suites de l’accouchement de leur fille, il erre dans un monde où tout et tout le monde lui donne la nausée. 

Tout sauf sa petite fille. Un merveilleux bébé de 21 mois qui est la seule à le faire sourire et à lui redonner de l’espoir. Mais cette fille qui ressemble tant à l’être aimé et disparu réveille aussi en lui la violence des souvenirs. Le narrateur veut partir. Mourrir. Laissez là le monde, dans sa laideur et dans les morts qui viennent chaque jour noircir les lignes des journaux et dont le veuf semble porter le poids. 

L’ensemble du livre se déroule en une seule et même journée et se compose en deux parties. L’une est une longue déclaration que ce père fait à sa fille. Le matin en se levant il voulait mourir. Il lui explique tous ces événements qui font qu’il ne supporte plus ce monde, malgré l’amour qu’il lui porte. 
En parallèle de ce discours intérieur, présenté en italique dans le livre, le narrateur se trouve face à une dame à qui il annonce la mort de sa fille, de 17 ans. Il analyse chaque de ses réactions qu’il connaît si bien, puisque c’est son quotidien depuis 10 ans, et attend, avec son imbuvable collègue, le bon moment pour lui demander l’autorisation de faire des prélèvements sur le corps de la défunte. Pourtant, cette fois-ci, rien ne se passera comme d’habitude. Dans les yeux de cette mère éplorée, c’est sa fille qui le regarde, le questionne, et remet en question ses projets de quitter une vie qui lui était devenue insupportable. 

L’ensemble est, je trouve, très bien écrit. La lecture peut sembler au premier abord un peu compliquée car on va d’un sujet à un autre. L’auteur parle d’un sujet ancien, puis revient aux événements de la veille avant de repartir des semaines plus tôt… Mais c’est ce qui en fait un récit réaliste. Philippe Claudel a écrit avec la même volatilité que les pensées, qui passent d’un sujet à un autre sans même qu’on s’en rendent compte et puis, par magie, reviennent au sujet qui nous préoccupe principalement. 

Il dépeint une vision horrible de la société, mais l’adoucit dans les petits détails qui maintiennent le narrateur en vie : les petites jambes potelée de sa fille, ses sourires, ses nuits paisibles, ses « mon papa »… Dans la noirceur de ce roman se dessine aussi une belle histoire d’amour. 

Je suis heureuse d’avoir insisté, après le très gros coup de cœur pour La petite fille de Monsieur Linh, Le Paquet qui m’avait vraiment déçue. Voilà une nouvelle lecture de Claudel que je retiendrai positivement et qui me rassure pour les autres à venir ! 

 
— Le plus : un récit vraiment captivant, malgré la noirceur du thème. J’ai surtout apprécié la seconde partie du livre. Quand d’un écœurement total du monde (parfois assez difficile à lire à cause des clichés qui s’enchaînent), le narrateur laisse entrevoir des parcelles d’espoir. 

— Le moins : la seule chose qui m’ai déplu dans cette lecture c’est la tendance à aller trop loin dans les clichés. Le collègue de travail est une brute machiste, un pervers, un ignare. Le pire étant le personnage de la baby-sitter (vraiment insupportable !!).