Résumé :
“Je n’étais pas du matin mais, dans la rue, j’ai pris l’habitude de me lever aux aurores. Ça m’évite de croiser les gamins qui partent à l’école. Je ne veux pas qu’ils me voient. Je ne veux pas me voir dans leurs yeux.”
Après trois hivers passés dans la rue, Christian Page, 46 ans, raconte le quotidien d’un SDF. En écrivant le roman de sa vie, il décrit la langueur des jours et le temps qui s’accélère, le regard des autres, les trucs, les clans, la violence, la pitié, les ivresses du bonheur et l’amour.
Chaque jour, en France, un SDF meurt dans la rue. Belleville au coeur est dédié à ces milliers d’anonymes, ces femmes, ces hommes qu’on a croisés sans doute, mais sans jamais les voir.
Mon avis :
Quand Belleville vous prend au coeur.
Belleville ? Enfin surtout ces hommes et ces femmes, sans domiciles fixes, qui fréquentent ce quartier parisien et les autres.
Christian Page nous invite à porter un autre regard sur cette population de l’ombre qui est partout, mais qui entre désir d’être invisible et détournement de regard des autres (de nous, qui avons le luxe d’un toit pour sécuriser nos jours et nos nuits), est bien souvent oubliée.
Christian se livre. Sans fards, et dans son langage bien à lui. Avec autant de sérieux, que le sujet impose, que d’humour : on sourit souvent avec Christian, on rit même de ces tournures de phrases dont lui seul a le secret, il nous raconte sa chute. Une chute de celles qui peuvent arriver à chacun. Qui a propulsé un homme avec famille et travail de rêve dans les méandres de la vie de rue. Il raconte ces années de débrouilles, ses amis, ses galères, leurs galères. Car dans la rue on vit avec tous, et contre tous.
Le récit raconte les occupations de la journée, les craintes de la nuit. Les nouveaux venus, ceux qui sont partis et ne sont jamais revenus. Les petites facilités et les grandes difficultés. Les esprits qui se perdent peu à peu dans l’oubli de soi, mais qui ne zappent ni l’alcool ni la drogue. Les bonnes âmes, celles qui te sourient, te tendent la main, t’offrent le café ou une nuit d’hôtel par temps agité.
Jamais déçue par les choix éditoriaux de Slatkine et compagnie, ce récit continue de confirmer la tendance. C’est court, c’est sincère, c’est vrai. Le genre de vrai qu’on tente de fuir. Le temps est venu de prendre une pause, de regarder son prochain droit dans les yeux, droit au coeur. Belleville au coeur.
Chronique juste comme à chaque fois ? J’ai été très touchée par le témoignage de Christian.